lundi 28 avril 2014

Faire du moche avec du beau



Vous serez d'accord avec moi, un néon, c'est moche.

Vous avez beau le colorier en rouge et le tordre par endroits, ça reste un néon moche.

Et vous avez beau le placer en plein milieu de la pyramide du Louvre, ça reste encore et toujours un néon moche.

Sauf que, cette fois, ça n'est plus seulement un néon moche.

C'est un néon moche qui s'offre le luxe suprême de réduire à néant tout semblant d'harmonie à trente kilomètres à la ronde (minimum).
 

Vous prenez le bus 39, un soir, comme moi, pour rentrer chez vous, en goûtant par avance le moment où il passera Place du Carroussel et où vous pourrez, dans l'atmosphère mystique du clair de lune et de vos deux mojitos, vous rêver en Princesse de Clèves traînant sa beauté diaphane, sa langueur raffinée, et ses robes de brocart, quelque part entre le Pavillon Turgot et la Cour carrée, entourée de mille chevaliers servants prêts à mourir pour un seul signe d'elle.

Vous guettez donc le Louvre avec impatience et lorsque vous le longez enfin, que ne voyez-vous pas ?

Un méchant néon rouge et ondulant, parcourant de haut en bas la pyramide qui en ouvre l'accès.

Il a beau être assez mince, sa lumière crue et sordide tranche tellement avec la respectable allure de ces hauts lieux que vous ne voyez plus que lui et sa mocheté.

Bye bye les ors et les lambris de la Cour, vous pouvez mettre au placard vos rêveries romanesques, vous êtes sûr de rester les deux pieds biens ancrés dans votre bus RATP verdâtre en pleine politique d'austérité de ce début du XXIe siècle.

Pourquoi tant de haine de la part du concepteur de cet horrible néon, allez-vous me demander ?

Je me suis moi aussi posé la question (juste après m'être convaincue qu'il pouvait difficilement s'agir d'un employé du service électricité du Louvre ayant oublié une partie de son matériel).

Et j'ai trouvé la réponse quelques jours plus tard, en ouvrant le 20 minutes qui traînait sur le siège du métro que j'avais décidé d'occuper.


J'ai tout de suite compris ce qu'il s'était passé dans la tête de Claude Lévêque.

Après avoir traîné son physique ingrat une bonne cinquantaine d'années, avoir essuyé moqueries et quolibets tout son lycée et son collège nivernais, il a dû très naturellement se dire que, quitte à être très vilain physiquement, autant s'habiller mal et, pour être sûr de pourrir encore plus la vue de tout le monde, s'attaquer aux glorieux édifices du passé, de préférence ceux qui sont mondialement reconnus pour leur beauté et leur prestance.

Et il s'est donné les moyens de ses ambitions en s'attaquant au Louvre.

Mission réussie pour Claude Lévêque, du moins pour l'année et demi pendant laquelle il nous est gracieusement offert l'incomparable chance de profiter de son « oeuvre ».

Allez, on se rassure, un an et demi, ça va vite.

Il suffit de ne plus traverser le Louvre d'ici octobre 2015 et tout se passera à merveille !


vendredi 4 avril 2014

Au revoir ou à jamais

 
Vous le savez, il y a des départs dont on ne revient pas.
 
On a tous un jour laissé derrière nous, parfois sans tellement s'en rendre compte sur le coup, une maison de vacances, une chambre d'étudiant, un ami d'enfance, une grand-mère chérie...
 
On part, la porte se referme.
 
Pour la dernière fois.
 
Mais ça, on ne l'a pas encore compris.
 
Accaparé par les pensées du moment, on ne réalise pas que cet instant précis signe une séparation définitive et qu'aucun retour ne sera plus jamais possible...
 
Et puis, dans d'autres circonstances, au contraire, il y a comme un étrange pressentiment de ce que, ça y est, c'est fini.
 
Vous claquez la porte et vous ressentez tout à coup ce douloureux pincement au coeur.
 
Vous vous arrêtez une seconde sur le palier, comme pour mieux vous concentrer sur le tournant qu'est peut-être en train de prendre à cet instant votre vie et pour le garder gravé à jamais dans votre mémoire, juste pour le cas où... 
 
Il y a six mois, lorsque j'ai quitté mon studio en emportant mon ficus dans mon panier à pique-nique, pour le confier au service de rempottage familial, je ne me doutais pas qu'il s'ensuivrait une séparation qui n'a, à ce jour, toujours pas pris fin.
 
Ce matin, lorsque j'ai quitté mon studio en emportant ma plante grasse dans mon sac Monoprix, pour la confier au même service de rempottage familial, je n'ai pu m'empêcher de ressentir un léger pincement au coeur en me demandant si le destin - dans son ironie ô combien cruelle - n'allait pas me frapper une seconde fois dans mes affections végétales....

Reviendra ? Reviendra pas ?  Les paris sont ouverts...