lundi 25 mars 2013

Les blogs d'humeur sont quintessentiellement féminins

 

C'est la vérité vraie. 

 

Conviez un membre - n'importe lequel - de la caste masculine à stopper son jeu en réseau et à ouvrir son logiciel de traitement de texte.

 

Demandez lui ensuite de livrer par écrit, à travers l'évocation d'un fait a priori anodin de sa vie quotidienne, les impressions tout à la fois drôles et poignantes que ce fait a suscité chez lui, et les réflexions plus ou moins délirantes qu'il lui a inspirées. 

 

Vous verrez que dans 99,99 % des cas, au lieu de se mettre à taper frénétiquement sur les touches de son clavier pour noircir la page affichée sur son écran, en proie à une véritable transe littéraro-écrivationnelle, il vous regardera avec de grands yeux écarquillés presque touchants de détresse.

 

La fille qui me parle, là, en face de moi, est-elle folle à lier ? Fait-elle une étude sur le comportement humain face à l'absurde ? Est-on déjà le 1er avril ? Zörg m'a-t-il (encore) télétransporté dans une réalité parallèle ? 

 

Car oui, sur ce plan là, il faut nous y résoudre, nous ne parlons pas le même langage.

 

Là où un homme lambda a besoin au minimum de 4 heures pour jauger une situation dans son ensemble, il suffit d'un coup d'oeil à toute fille bien née pour atteindre le même résultat. 

 

Elle dispose par conséquent d'environ 3 heures 59 minutes et 59 secondes pour se livrer à une analyse cette fois détaillée de la situation, allant du pourquoi du comment jusqu'au comment du pourquoi, en passant de l'alpha pour finir à l'oméga. 

 

Mais elle n'a bien sûr pas besoin de tout ce temps : un second coup d'oeil lui suffit pour embrasser les choses dans toute la profondeur de leur complexité. 

 

Grâce à cet incroyable super-pouvoir que beaucoup - ne nous leurrons pas - leur envient, les femmes ont donc toujours de quoi tenir au minimum 100.000 caractères sur n'importe quel sujet qu'il leur a été donné d'approcher, y compris le plus insignifiant, et donc d'alimenter quantitativement un blog de qualité, là où l'homme lambda peine à dépasser les 3 lignes de fait brut style dépêche AFP. 

 

Exemple. 

 

Soit une ampoule qui décide de sauter alors que les invités sont sur le point d'arriver. 

 

Récit de l'homme lambda : L'ampoule a sauté alors que les invités étaient sur le point d'arriver

 

Récit de la blogueuse d'humeur : 

 

- rappel du contexte (J'étais complètement en retard, je finissais de me coiffer tout en mettant mon rôti au four, Louis terminait de chercher partout le tire-bouchon qui était en fait dans le tiroir, à sa place habituelle),

 

- présentation des prémisses (Ce n'est pas comme si la lampe n'avait pas donné de signes de fatigue auparavant : deux fois déjà, elle s'était mise à clignoter de façon suspecte, mais bon, je n'avais pas que ça à faire d'aller en racheter une au risque de rater le début du concours des maisons les plus originales sur M6),

 

- exposé du drame (20h10, les invités vont arriver d'une seconde à l'autre, hop, la lampe s'éteint, hop, on ne voit plus rien du tout, hop, les invités arrivent, hop c'est gênant), 

 

- indication de la résolution du drame (Je suis allée chercher de vieilles bougies parfumées à la cave que ma grande tante m'avait offertes à Noël 2008 et que je croyais ne jamais utiliser, mais en fait non), 

 

- conclusion (Finalement, cette atmosphère intimiste n'a pas été pour nous déplaire : on a tous regretté d'être nés à l'ère antipoétique de l'électricité - enfin sauf Louis, sinon il n'aurait jamais pu jouer à des jeux de réseau - et puis en plus, quand je suis allée me coucher et que je me suis regardée en pleine lumière de néon atroce dans la salle de bain, les cheveux à moitié décoiffés, le visage rouge, les yeux cernés, avec ce charmant bout de persil entre les dents, je me suis dit que la bougie était définitivement mon meilleur allié beauté). 

 

Lorsque vous êtes vous-mêmes témoin de la scène, l'incapacité de l'homme lambda à développer le sujet n'est ainsi pas trop gênante dans la mesure où vous êtes en mesure d'y pallier par votre propre récit que vous pouvez consigner, parmi tant d'autres, dans votre blog.

 

Elle vous est même plutôt favorable puisque vous évitez toute situation de concurrence gênante entre blogueurs. 

 

Ce qui est beaucoup plus ennuyeux, par contre, c'est lorsque vous n'y assistez pas.

 

Exemple.  

 

Soit votre frère qui va passer un week-end chez un ami d'enfance (que vous avez très bien connu fût un temps), lequel s'est fraîchement installé avec une fille que vous ne connaissez que sur photos facebook mais qui a l'air un peu... hmm... spéciale, ou du moins pas votre genre (pour parler pudiquement).

 

Comme vous savez que votre frère n'appartient pas à la catégorie des blogueuses d'humeur, puisque - scoop - c'est un homme, vous essayez de prévenir son manque d'observation en entamant un bon travail de harcèlement cérébral toute la semaine qui précède, pour attirer son attention sur les points qui vous intéressent. 

 

Regarde bien si elle est vraiment aussi... hmm... spéciale que sur les photos / comment elle se comporte avec ***** / quels sont ses centres d'intérêt / quelle influence elle a sur lui / comment elle parle de sa "belle-famille" / quel genre de vie ils mènent / s'ils paraissent avoir des projets à long terme / si leurs radiateurs sont en état de fonctionnement / s'ils boivent du thé ou du café au petit-déjeuner / etc.

 

Bref, différents points susceptibles de révéler des croustilles/pépites en tout genre. 

 

Et là, retour du week-end, vous vous précipitez sur votre frère pour prendre les nouvelles. 

 

Et là, votre frère : J'ai été bien reçu, lui est toujours fidèle à lui-même, et elle est plutôt gentille en fait

 

Et ??? 

 

Et rien. 

 

Mais encore ? 

 

Non, je n'ai rien remarqué de spécial. 

 

Mais si, il y a forcément quelque chose ! 

 

Mais non je te dis. 

 

Allez, fais un effort. 

 

Puisque je te dis qu'il n'y a rien !

 

Même pas la couleur du papier peint ? Ou le poster dans les toilettes ? 

 

Non. Rien. 

 

Moi, si je m'étais rendue à ce week-end là, je suis sûre que j'aurais pu trouver de quoi écrire au moins 100 - 150 articles pour mon blog. 

 

C'est finalement parfois un peu frustrant que tout le monde ne soit pas une blogueuse d'humeur...

6 commentaires:

  1. C'est juste un gros boulet le frère. A ce niveau-là, on touche le fond !

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  2. C'est plus dur, en effet. Mais tu es la preuve vivante que l'on peut être un homme et tenir un blog (et pas forcément un blog de tuning, hein) ! Merci pour eux. 

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  3. Il va falloir que tu te fasses inviter par l'ami d'enfance, sinon on reste sur notre faim...

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  4. Quand mon mari part seul à des diners/soirées , il se prépare tellement a ce que je le mitraille de question, qu'il fait un effort plus que sur-humain pour observer un max, mais le pauvre, il a beau faire tous les efforts du monde, je pose tjs pleins de questions auxquelles il ne peut répondre. Il trouve aussi que moi j'ai la capacité a répéter plein de fois un évênement qui me met en joie ou peine, alors que lui une fois que ça a ete dit .... ben ça a ete dit quoi ! Et oui !

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  5. Les blogueuses humeur sont capables de parler pour ne rien dire, et pendant des heures? Je vais voir si ça me fait penser à quelqu'un.

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  6. Moi par exemple, si je vois des gens pendant une durée Y, après je suis capable d'en parler pendant une durée double (2Y). Et malheureusement au bout de la moitié du temps je me rends souvent compte que mon interlocuteur (souvent mon mari) pense déjà à autre chose. Tu trouves ça normal ?

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