jeudi 24 octobre 2013

Vertes nouvelles

 

Il y a quelques jours, je pensais vous annoncer le scoop du siècle, à savoir que mon ficus et moi, nous nous étions séparés, mais c'était sans compter sur le dernier article d'Albane qui m'a lâchement coupé l'herbe sous les pieds en dévoilant en avant-première la nouvelle au monde entier...

 

C'est comme ça, vous invitez un blogueur à apporter un cake salé chez vous, et tout ce qu'il trouve à faire, c'est de vous saper une à une vos plus brillantes idées d'articles...

 

On parle souvent de la "grande famille des blogueurs", mais je crois qu'il est temps d'arrêter ces charmantes petites démonstration d'hypocrisie qui ne trompent personne.

 

Au risque de briser vos rêves d'un monde virtuel idéal, non, ça n'est pas vrai, derrière les sourires et les compliments de façade (tiens, tu sais, j'ai bien aimé ton dernier article sur …), se cache en réalité la même sourde haine que celle que vous ressentez à la caisse de votre supermarché quand vous constatez que la mamie devant a réussi à trouver le seul article sans code-barre du magasin.

 

Mais ne nous égarons pas, de toutes façons il faudrait consacrer au bas mot au moins 394.235.745 caractères (espaces non compris) à ce sujet pour arriver ne serait-ce qu'à en évoquer les principaux aspects.

 

Bref, revenons à l'essentiel : mon ficus.

 

Vous l'aurez compris, il ne vit plus avec moi.

 

Vous dire qu'il aurait quitté mon studio de son plein gré, parce qu'il en avait assez de moi (ou peut-être de la vie à Paris, l'exiguïté des logements, les transports, la pollution, toussa...), ne serait pas franchement exact (on retombe toujours sur cette éternelle histoire de jambes et de bras qui font défaut).

 

Mais alors, que s'est-il réellement passé ?

 

Eh bien, je dirais sobrement que mon ficus m'a été "retiré".

 

Tout c'est fait très vite.

 

Je suis rentrée de vacances fin août dernier, mon ficus n'avait visiblement pas profité à plein de la période.

 

Il est en effet vite apparu à mon oeil expert qu'il n'avait toujours pas atteint la hauteur de ma commode Ikéa, stagnant désespérément au niveau du deuxième tiroir, que la proportion de feuilles jaunies parmi son ramage quelque peu déplumé avait, disons, doublé, et que, globalement, il n'avait pas l'air si épanoui que ça.

 

Rapidement, je suis arrivée à un diagnostic irréfutable : il faut rempoter mon ficus, une fois que ce sera réalisé, tout rentrera dans l'ordre, il sera heureux, je serai heureuse et nous serons heureux.

 

Eh oui, deux ans à être coincé dans le même pot étriqué, c'est normal qu'une plante indépendante et libre comme lui n'y trouve pas son compte.

 

J'ai regardé mon ficus de l'air un peu fier d'une mère qui a pleinement compris son enfant alors qu'il ne parle pas encore (ça ne s'explique pas ces choses là), et puis, ni une ni deux, je l'ai installé dans le panier à pique nique que m'a donné maman, l'été dernier, pour transporter mon saucisson, mon pot de 250g de tarama et ma baguette, quand j'allais squatter la pelouse des Invalides en compagnie d'autres zonards de ma connaissance, je lui ai fait découvrir le bus (½ heure), le train (1h15) et le tramway (10 minutes) et puis nous sommes arrivés chez mes parents, là où il y a un balcon qui ressemble un peu à l'annexe de Jardiland en période de présoldes.

 

Sans perdre plus de temps – il en allait quand même du bien-être de mon ficus – j'ai fait part à maman de mon diagnostic : il faut rempoter mon ficus.

 

Et comme tout médecin qui se respecte, maman a commencé par prendre ses distances avec mon analyse.

 

Adoptant un ton pas si éloigné de celui de la responsable de la Dass qui vous a convoqué parce que votre enfant a fait un dessin de bonhomme à qui il manque deux bras, un pied et la tête, et qui se permet de vous donner des conseils d'éducation, elle m'a indiqué fermement :

 

"Avant toute chose, Ginger, tu enlèves ces feuilles desséchées et tu coupes les branches mortes ; c'est étonnant que tu n'y aies pas pensé toute seule".

 

J'ai bien pensé répondre que Ah bah non, désolée, je n'ai pas fait Polytechnique plante option ficus, mais, là encore, j'ai pensé au bien-être de mon ficus et je me suis exécutée.

 

C'est vrai que deux minutes plus tard, il avait déjà une nettement meilleure allure, mon ficus, avec tout ce jaunasse en moins.

 

Après seulement, nous avons entrepris l'opération rempotage.

 

On a pris un beau pot tout neuf, on a mis des bouts de pots cassés au fond (il paraît que ça aide les plantes de pousser au-dessus de bouts de pots cassés), on l'a rempli de belle terre, on a replanté mon ficus et on est allées l'arroser.

 

Et là, qu'ai-je vu ?

 

Maman déverser à peu près un demi litre d'eau à la racine de mon ficus.

 

Un demi litre, je pense que c'est à peu près le triple de la quantité d'eau dont je l'arrosais semestriellement.

 

C'est à ce moment là que j'ai réalisé que mon ficus avait été maintenu, par mes soins, dans un état de sous-alimentation continu, deux ans durant, souffrant en silence dans l'incompréhension générale (surtout la mienne), attendant sans doute patiemment une mort végétale qui tardait à arriver...

 

Mais que voulez-vous, lorsque je l'ai acheté, mon ficus, je revois encore la fleuriste me dire :

 

"Pour l'entretien, il faut veiller à ce que la terre soit toujours bien humide".

 

Alors je lui ai régulièrement versé deux - trois gouttes d'eau, et comme ça la terre a été toujours bien humide.

 

En surface en tout cas.

 

Oui mais, apparemment, ça ne voulait pas dire ça.

 

Plutôt que des TP de physique auxquels je n'ai jamais rien compris, voire qui ont nui à la qualité de mon développement cérébral et affectif, il aurait infiniment mieux valu que je suive des TP arrosage de plantes (et pourquoi pas d'ailleurs, aussi, des TP identification de l'arrivée d'eau, mais c'est un autre débat).

 

Toujours est-il que je me suis confessée de cette insuffisance auprès de maman qui a dû énormément prendre sur elle, j'imagine, pour ne pas paraître trop choquée par cette révélation.

 

Cela doit toujours faire bizarre à une mère de découvrir qu'elle a un enfant qui se comporte comme un monstre à l'égard de ses rejetons...

 

Mais si elle n'a rien dit, j'ai bien vu que maman avait saisi la pleine mesure de mon attitude quand elle m'a dit :

 

"Laisse-moi ta plante quelques semaines, il vaut mieux que tu ne la transportes pas à nouveau tout de suite, je vais continuer à prendre soin d'elle et lorsqu'elle sera un peu plus forte, tu la remporteras".

 

Résultat : mon ficus est resté en pension chez mes parents, et moi je suis rentrée seule à Paris avec tout le poids de ma culpabilité dans mon sac à pique-nique vide.

 

Et comment se porte mon ficus, désormais ?

 

Oh, très bien, il se développe de jour en jour, respire le bonheur et la joie de vivre, et se couvre de tout un tas de petites pousses vertes qui nous laissent présager une multitude d'heureux évènements pour le printemps prochain.

 

Je n'ai pas encore osé parler à mon ficus du jour où il faudra qu'il quitte mes parents pour revenir vivre avec moi à Paris.

 

J'ai peur que ce soit un peu dur pour lui, vu les moments désertiques qu'il y a traversés.

 

Il ne me reste donc plus qu'à espérer qu'il développe un bon syndrôme de Stockholm à mon égard...

 

La situation est loin d'être simple, vous le voyez.

 

Pour se quitter sur une note positive malgré tout, je vous ai quand même gardé une bonne nouvelle végétale pour la fin : ça y est, mon orchidée est morte !

 

C'est l'amie à qui je l'avais confiée pendant les vacances qui l'a visiblement mille fois trop arrosée, ce qui fait que les racines étaient toutes pourries quand je l'ai récupérée.

 

Quand je pense qu'avec moi, vu la quantité d'eau que je lui versais, elle aurait pu encore me narguer pendant des milliers d'années, je me dis que, quand même, la vie est (parfois) bien faite !

 

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7 commentaires:

  1. Est-ce que ton ficus valait vraiment le prix des transports (métro, train, bus) en plus de l'enguelade de ta mère ? Tu aurais mieux fait de le jeter et d'aller t'en acheter un autre un peu plus grand. Tu aurais eu des compliments de ta mère lors d'un passage ultérieur.

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  2. Pour le coup j'aurais bien envie de te répondre VERTEMENT mais je me contenterai de me draper dans un silence fier et dédaigneux (et quand je pense que je t'ai laissé les restes du cake !!!)

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  3. C'est une histoire bouleversante, à la fois triste et pleine d'espoir pour tous les enfants négligés par des parents coupables !

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  4. Jeanne qui connaît plein de blogueurs25 octobre 2013 à 05:14

    C'est vrai que quand on coupe les feuilles ainsi que les branches, on élimine la majorité des problèmes.

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  5. Encore un petit qui paie les pots cassés! Je ne vous félicite pas, Mademoiselle.

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  6. Je suis béate d'admiration devant le courage, la force morale et l'abnégation dont ton ficus, tel les héros raciniens, a fait preuve pendant ces deux ans ; quel stoïcisme ! Un exemple pour notre jeunesse en manque de repères...

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