mardi 3 mars 2015

Dix ans après...

Il y a des personnes que vous avez bien connues et qui un jour, sans crier gare, disparaissent de votre vie. 

Vous les aviez au téléphone régulièrement, vous les voyiez une fois de temps en temps, et puis un beau jour, pshitttt, plus rien. 

Envolées, parties, finies. 

Comme si un immense trou noir les avait avalées et que, transportées à des années lumières de vous, elles n'avaient tout simplement plus eu la possibilité de maintenir le contact avec vous. 

Et je ne vous parle pas ici seulement de mon ficus, toujours en convalescence dans un sanatorium réputé du nord de la France (mais qui va bientôt refaire son grand retour à Paris, article à venir !), mais aussi des vrais gens de chair humaine. 

Vous ne savez pas trop sur le compte de quoi mettre cette auto-exclusion, mais une chose est sûre, après 15 coups de fil, 20 mails et 52 cartes postales sans réponse (comment ça, c'est du harcèlement ?), vous finissez par vous dire qu'il a dû se passer quelque chose dans leur vie – vous ne savez pas trop quoi – qui les a amenés, eux et leur psychologie tortueuse (c'est le moment de s'en rendre compte), à rompre les ponts avec à peu près tout leur entourage...

… et, bien sûr, avec vous en particulier. 

Cet éloignement soudain et inexpliqué les place, les premiers temps, au centre de vos préoccupations.

Et puis, petit à petit, semaine après semaine, mois après mois, ils finissent par être relégués dans un coin de plus en plus isolé de votre esprit, pour un jour ne plus y vivre que comme une ombre du passé que l'on ne convoque qu'avec les vieux souvenirs d'un temps définitivement révolu. 

Au bout de 10 ans d'absence, vous avez beau savoir qu'ils existent toujours quelque part, ils sont devenus de parfaits étrangers pour vous. 

Sauf qu'au bout de dix ans, ce que vous ne savez pas, c'est que certains d'entre eux sont susceptibles, tout à coup, de décider de tenter un petit come back dans votre vie qu'ils avaient pourtant délibérément fait le choix de quitter...

Je ne sais pas en ce qui vous concerne, mais pour moi cette personne s'appelle FX

FX était un ami de vacances que ma soeur, mon frère et moi, nous côtoyions tous les étés, lorsque nous nous rendions en séjour chez notre grand mère, dans son chalet de Haute-Savoie. 

FX tirait à nos yeux – aux miens en tout cas – un certain prestige lié au fait que, plus âgé que nous, il était déjà étudiant quand nous n'étions encore que collégiens/lycéens, qu'il vivait à Paris quand nous habitions la lointaine province et qu'il connaissait toutes les randonnées de montagne avoisinantes quand nous nous aventurions à peine au-delà d'un rayon de 2km autour de notre chalet...

Autant de raisons, disons-le, pour lesquelles FX faisait un peu figure de demi-dieu dans mes représentations adolescentes.

Et puis, un beau jour, après avoir maintenu régulièrement le contact, FX devait soudainement disparaître de la circulation, s'arrêter de donner de ses nouvelles et ignorer les coups de fil ou les mails qui lui étaient adressés.

C'était il y a 10 ans. 

Et puis, un autre beau jour, plus exactement le mois dernier, voilà que, tout à coup, FX a repris contact avec ma soeur via facebook.

Puis avec moi. 

Et comme il avait été informé que j'habitais comme lui Paris (on ne reste pas forcément provincial toute sa vie, Dieu merci !), il m'a proposé dans un mail un peu embarrassé – difficile de justifier 10 ans d'absence – que l'on se revoie à l'occasion d'un déjeuner. 

10 ans après. 

Bien sûr, j'ai tout de suite dit oui

Enfin, pas tout de suite dans un mail de réponse, parce qu'après 10 ans d'absence, il est assez normal de faire lanterner les gens au moins une petite semaine....

Mais par contre, j'ai tout de suite dit oui dans ma tête ! 

Un oui de curiosité, pour savoir ce qu'était devenu au juste le tout jeune homme qui m'en imposait tellement 10 ans avant et confronter les souvenirs que j'en avais gardés avec l'homme qu'il était fatalement devenu depuis.

Et c'est ainsi qu'il y a quelques jours, j'ai retrouvé FX à 12h30 à la station Pasteur.

Physiquement, le décalage n'était pas si important : l'allure était à peu près similaire à celle que je lui avais connue, toujours grand et svelte, à ceci près, peut-être, que les traits de son visage s'étaient un peu affirmés avec les années.

Après avoir échangé les politesses d'usage, nous sommes allés nous installer dans une pizzeria de sa connaissance et puis nous avons parlé. 

Ou plutôt, il m'a parlé. 

D'abord de son poste de fonctionnaire au ministère de l'agriculture. 

De la composition de son équipe, de la nature de ses missions, de la répartition de ses tâches, de la réorganisation de son service, de la réforme structurelle en projet, du départ en congé maternité de sa collègue...

Après avoir patienté pendant environ ¾ d'heure à écouter un palpitant monologue tout en dégustant ma pizza Reine, j'ai fini par me décider à faire dévier la conversation sur ses loisirs. 

Là, il a évoqué ses derniers voyages en Italie, en Russie et en Chine. 

Avec un groupe de retraités de l'enseignement public, parce que ça coûte moins cher.

Ah, lui ai-je dit en riant, de ceux qui ne se balladent jamais sans un carnet et un stylo pour prendre, pendant les visites guidées, des notes qu'ils ne reliront jamais ?! 

Ce à quoi il m'a répondu très sérieusement que Oui, et d'ailleurs moi aussi je prends des notes pendant les visites guidées. C'est très agréable de pouvoir se souvenir exactement des détails quelques temps plus tard. 

Bien sûr, face à une telle déclaration, j'ai repris moi aussi un air sérieux avant de m'empresser d'aborder un autre sujet, de peur que la conversation ne s'enlise davantage. 

Et tu fais toujours du violoncelle ? lui ai-je demandé, me souvenant d'un concert privé qu'il avait donné au milieu d'une demi-douzaine de filles en extase à l'époque où nous passions encore nos vacances au même endroit. 

Oui, je joue dans deux orchestres m'a-t-il expliqué, dont un qui dépend d'une association dont j'ai repris les rênes puisque personne ne voulait s'en occuper. 

Avant d'ajouter : A vrai dire, je passe à peu près tous mes samedis à faire de la paperasse et à organiser nos déplacements dans diverses villes de France. Ca prend bien sûr pas mal de temps, mais ce genre de responsabilités est très valorisant.

Comme je n'avais pas trop envie d'en apprendre plus sur la nature de sa paperasse et les responsabilités très valorisantes qui y étaient liées, j'ai vite, vite, cherché un autre sujet de conversation sur lequel l'interroger. 

Et comme rien ne me venait, en désespoir de cause, j'ai tenté de combler le vide en lui demandant s'il avait d'autres loisirs. 

Eh bien, je me remets aux langues. En ce moment je me replonge dans l'anglais, je revois également mon allemand. Et puis je commence le chinois

Ah d'accord.

Et tout en terminant mon tiramisu, j'ai alors imaginé la vie de FX, la journée au ministère de l'agriculture à effectuer tout un tas de tâches ingrates, le soir à faire des recherches de grammaire anglaise, de vocabulaire allemand et de syntaxe chinoise, le week-end à s'occuper de paperasse pour son orchestre et les vacances à partir avec des vieux prendre des notes de visites guidées (Jean-Jacques, je pourrai photocopier ton carnet à la fin du séjour s'il te plaît ? Le guide allait un peu vite aujourd'hui, je ne suis pas sûr d'avoir tout bien suivi...).

En le quittant, je n'ai pu m'empêcher de me demander si le FX que j'avais connu il y a 10 ans portait déjà en lui le germe d'une telle évolution, mais que j'étais alors trop occupée à l'admirer pour m'en rendre compte, ou si la vie et ses événements, jour après jour, semaine après semaine, mois après moi, année après année, s'en étaient à eux seuls acquittés...

Je n'aurai probablement jamais la réponse à cette interrogation.

Mais par contre, ce que je sais, c'est que je m'abstiendrai de proposer à mon tour un déjeuner à FX.

Et c'est quand même assez dommage parce que c'est la seule de mes connaissances qui travaille juste à deux pas de chez moi ! 

Il y a certains lieux dont on ne ressort pas indemne...

6 commentaires:

  1. Finalement, comme diraient les Bronzés, il y a des gens qui gagnent à ne pas être connus...

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    1. Tu es dure, Albane ! FX m'a au moins apporté un déjeuner gratis, c'est déjà beaucoup dans la vie !

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  2. C'est dommage que tu ne l'invites pas à ton tour, tu aurais pu lui parler de Tante Ursule, du ficus, du congélateur que tu n'as pas faute de place, des verres cassés et des miettes de Tuc des invités, de Trucmuche pénible en vacances, et du trajet en voiture avec le vieux garçon... Bref, toi aussi tu as de quoi l'entretenir pendant 1 h 30. Oublie ta modestie, tu es capable !!!

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    1. C'est vrai, je n'ai pas osé lui imposer ce genre de sujets... j'ai bien pensé à évoquer l'existence de mon blog à un moment donné, mais j'ai eu peur qu'il fasse une syncope... Et moi, la réanimation, tout ça, ça n'est vraiment pas mon fort !

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  3. Toi, tu es amoureuse. Ou pas.

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    1. La définition de l'amour est si volatile, qui sait ce que ça peut bien vouloir signifier !

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